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Sans PR et sans reproche

Sans PR et sans reproche
Pierre
3 commentaires
Avant le jeu vidéo c’était simple. Il y avait des développeurs et des éditeurs. Les uns faisaient des jeux que les autres vendaient.
Parfois c’était une seule grosse boite, d’autres fois il s’agissait de travaux de commande. Mais les choses étaient relativement claires : chacun ses compétences, chacun son boulot et si on marche ensemble peut être qu’on arrivera plus loin que séparément.

Aujourd'hui c’est plus complexe. Chacun veut faire le boulot de l'autre : les gens qui font des jeux veulent d’abord posséder ces jeux et donc tentent de les vendre, de les promouvoir et de les financer seuls avec plus ou moins de bonheur tandis que les gens qui vendent des jeux au contraire, veulent de la quantité toujours plus importante de travail et des projets qui se déroulent sans compter la composante humaine.

Et pour tous ceux qui travaillent encore à l’ancienne ça partage en deux camps qui semblent plus antagonistes que jamais. D’un côté les artistes, les techniciens, la famille, les rêveurs. De l’autre les costumes-cravates, les comptables, l’entreprise, les vendeurs de rêve.
Alors bien sûr, ce n’est jamais écrit, ce n’est jamais dit, mais c’est toujours là, au détour d’une remarque, au détour d’un email.
“Roh, t’as vu, les mecs de la monétisation veulent encore ajouter un paywall !”
“T’as entendu la dernière ? Apparemment ils veulent encore repousser la milestone !”
“On a lu le dernier script du trailer et on pense que vous n’avez pas tout à fait compris l’identité de notre jeu.”
“On a regardé la dernière build que vous avez envoyé, mais on est quand même assez loin de ce que vous nous aviez montré comme rendu “final” il y a huit mois, non ?”

En général (et heureusement) toute cette petite guéguerre des services reste interne.
Mais de temps en temps au détour d’une headline kotaku, on peut ressentir toute la détresse d’une équipe de relation presse quand un producteur s’éloigne du message officiel pour y aller de son petit commentaire perso.

C’était très récemment le cas de l’ami Vincent Pontbriand, producteur d’Asssassin’s Creed Unity qui déclarait que le jeu serait bloqué à 900p/30fps sur toutes les consoles pour éviter les débats and stuff.

Évidemment quand on bosse pour une boite comme ubisoft qui essaye à la fois de faire copain copain avec tous les fabricants de consoles avec des goodies en exclue temporaire à droite à gauche et en même temps de plaire aux joueurs, ce n’est de toute évidence pas le genre de phrases à lâcher dans la nature l’air de rien.

La réponse n’a pas mis longtemps à arriver en ligne puisque après une petite réunion interne et sans doute un remontage de bretelles dans les règles, Pontbriand s’est fendu d’une explication dans le billet de blog rédigé par le directeur de communication.

Bien sûr que non, on ne ferait jamais une chose comme ça enfin !

La presse fait une mise à jour de ses articles, voire un autre article dédié, en passant on en profite pour recaser quelques gentils généralités sur comment que le jeu il est trop cool en fait t’as vu.
On essaye au passage de brosser dans le sens du poil Sony comme Microsoft en disant que rien de tout cela n’aurait été possible sans l’incroyable puissance des consoles next-gen et puis on rappelle que le jeu est précommandable un peu partout, parce que hé, y a pas de petits profits !

Et voilà, presse, joueurs, éditeurs et développeurs sont à nouveau aussi contents qu’on peut l’être.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le jeu vidéo c’est simple après tout.

Commentaires

  • WarGun |
    Tu sais BH, ça se passe exactement de la même manière dans la presse généraliste. Je ne peux parler qu'à mon niveau local, mais c'est exactement la même chose: une équipe municipale va dans la même direction, jusqu'à ce qu'un élu fasse une sortie, vite rattrapée par le maire ou au-dessus. Alors on publie la réponse de l'intéressé pour rééquilibrer l'opinion, et puis on recommence.
    Le souci, c'est que la presse ne peut que se contenter de ça. Si on commence à mener des enquêtes sérieuses et indépendantes, on prend le risque de ne plus être reçu après par ceux qu'on veux interroger pour nos sujets. Alors à moins d'être un grand média (du genre TF1, BFM, Le Monde et compagnie, ou leurs équivalents dans le jeu vidéo), qui peut dénoncer cette entrave à la liberté de la presse, les autres médias n'ont pas d'autres choix que de jouer ce jeu.
    Le pire, c'est qu'on le fait consciemment. Pour avoir une fois dépasser ce jeu, je t'assure que j'ai vite compris que l'intérêt du journal (donc le mien) était de ne rien faire de sérieux, à moins de vouloir perdre mon boulot. C'est la même chose dans le jeu vidéo, je suppose.
  • Fleau |
    Et c'est là que le monde merveilleux d'internet entre en jeu ! =D
    (dans le monde du journalisme comme dans celui du jeu vidéo)
  • BH |
    @WarGun ouais sauf que ça me fait marrer quand ça concerne un jeu, mais c'est assez effrayant pour la presse généraliste. Pour moi la presse doit aller au delà des communiqués bien propres, ne pas se contenter des réponses pré-mâchées sinon ce n'est plus du journalisme, c'est de la communication orientée.

    Pour les jeu on s'en tamponne, la plupart des gens qui écrivent ne sont même pas journalistes, n'ont pas de carte de presse et encore moi de sens moral. Et dans le pire des cas ça va déboucher sur quoi ? Un gosse qui va acheter un mauvais jeu ? Pas la fin du monde. Mais pour les journaux, même locaux, il s'agit d'un code de déontologie et un respect de la profession, je pense pas qu'on puisse juste accepter que la presse se fasse museler par n'importe quel connard qui a un tout petit peu d'influence sinon c'est la porte ouverte à toutes les dérives.