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Bons baisers du Japon

Bons baisers du Japon
Pierre
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Metal Gear a toujours été une série un peu à part. Décalée et hors du temps elle attise les débats et laisse libre court aux fantasmes des joueurs.
Dès les épisodes originaux, le contre pied pris par rapport aux jeux vidéo d’arcade est évident : il ne s’agit pas d’un Contra, d’un Commando ou d’un shoot em all, alors très en vogue, mais de jeux plus mures, plus cérébraux, aux règles un peu différentes et où le mixe entre action basse du front et réflexion prévaut.
Une série bien japonaise avec une histoire de vengeance déjà bien alambiquée qui explose presque 10 ans plus tard pour son passage à la 3D.

Aujourd’hui, 26 ans après la sortie de Metal Gear sur MSX, Snake et Hideo Kojima ouvrent la conférence de Microsoft et se placent ainsi en porte étendard de ce que la prochaine console Américaine offrira aux joueurs occidentaux.

Un choix un peu audacieux tant MGS semble toujours s’amuser en jouant sur la fine ligne entre blockbuster et grosse blague de potache. Comme si le succès international de la série n'avait pas été communiqué à l'équipe de développement, ou bien comme une information d'importance mineure. "Ho tiens, le jeu se vend aux Etats Unis et en Europe ? Et sinon, c'est quoi le plat du jour à la cantine aujourd'hui ?" a ainsi du se demander Kojima un bien beau matin du développement de MGS 2.
En plus des blagues premier degré, servies crues comme les fausses sautes d'image, l'humour scatologique, la disparition du personnage principal ou son vieillissement prématuré transformant l'idole des jeunes en papy moustachu fatigué, les joueurs occidentaux habitués à des productions AAA d'où rien ne dépasse doivent aussi composer avec un scénario aussi sérieux qu'incompréhensible, des campagnes marketing bourrées de références et une approche toute japonaise du Gameplay.

Je veux dire, il est bien connu que le Japon fait montre de protectionnisme, voire d'une certaine forme d'hermétisme à l'égard de tout ce qui vient de l'étranger, et Kojima-production est à fond dans cette optique. La prise en main des jeux d'actions modernes ? Rien à fiche, nous on garde nos menus déroulants et notre système de visée boiteux. Les sauvegardes automatiques et transparentes ? Nope, nous on va demander au joueur s'il veut sauvegarder toutes les trois minutes. Les Open World ont le vent en poupe depuis 15 ans ? Ça reste notre grosse feature de 2014.
Tout est alors prétexte à cacher de l'easter-egg à foison, à déconner sur la psychologie des personnages, à ajouter de l'humour slapstick ou des auto-références. Loin de se plier à un fan-service facile, chaque itération de la série est un champ libre à des expérimentations plus ou moins loufoques qui n'ont pu être validées qu'après ce que j'imagine être de mémorables séances de briefing le nez dans la poudreuse :
-Et si on faisait survivre un personnage à partir de son bras greffé chez un autre ?
-Et si on se servait de magazines playboy comme moyen de diversion dans le jeu ?
-Et si faire des tractions permettait au joueur d'augmenter son endurance ?
-Et si on transformait le jeu en un survival ?
-Et si on ajoutait la possibilité de se balader avec un petit robot pendant les cut-scenes ?
-Et si on basait l'économie du jeu sur du pognon que le joueur obtient en rackettant les soldats qu'il rencontre ?
-Et si tout le design de la technologie reposait sur des animaux ?
-Et si on intégrait un système de gestion de l'armée forçant le joueur à kidnapper tous ses ennemis avec des ballons gonflables ?
-Et si on inventait une fausse boite suédoise pour présenter des baleines dévoreuses d'hélicoptères ?
-Et si je me refaisais un rail avant que l'effet ne retombe ?

Autant d'idées complètement dingues capables d'apporter un vent d'innovation et de fun, voire une lucidité incroyable à une série qui est paradoxalement engluée dans des mécaniques de jeu d'un autre âge à base de Boss improbables, de gestion de la santé floue, d'absence de gestion de la lumière et d'IA parfois très, très trèèèès basique.

Il y a pourtant quelque chose de génial à voir que des jeux où l'on glisse sur du guano et où l'on se cache en roulant dans des tonneaux jusqu'à vomir puissent continuer d'exister à une époque où les délais de production sont calculé au millimètre et où les processus de validation et de certification sont d'une rigueur absolue faisant passer l'armée allemande pour une joyeuse bande de déconneurs.
Ça prouve qu'en marge des jeux indépendants, la création auteuriste à grande échelle n'est pas morte partout. Non, il existe à l'Est une petite île qui résiste encore et toujours à l'envahisseur.

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