> Le webcomics trop bien sapé

Menteur, Menteur

Menteur, Menteur
Pierre
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Il y a des jours où l’on a envie d’être sympa, d’être emphatique, de se mettre du côté des petits.
Et puis il y a les jours où l’on a juste envie de dire bien fait pour vous.

En l'occurrence c’est ce que j’ai tout à fait envie de dire aux Backers de Godus, le dernier jeu en date de 22Cans qui semble pris dans une espèce de tourmente ces derniers jours.

Deux ans après le Kickstarter, le jeu qui devait être terminé en sept à neuf mois est toujours à des kilomètres de ce qu’il devait être. Le multijoueur a été complètement désactivé, la version mobile drivée par le chinois DeNA est blindée de micro-transactions, les récompenses promises sur le kickstarter n’ont pas été livrées.

Plus inquiétant, quelques développeurs de 22Cans ont déjà quitté le navire tandis que le game designer actuel avoue sa frustration sur les forums tout en précisant que le hub multijoueur persistant (au cœur du concept) semble de plus en plus irréaliste et qu’en toute franchise il ne voit pas comment certaines des promesses du Kickstarter pourraient être tenues.

La cerise sur le gâteau ? La boite et Peter Molyneux ont annoncé en Décembre dernier The Trail, leur prochain jeu, laissant entendre que Godus ne serait plus tout à fait la priorité number ouane du studio. Hoho.

Et pour autant que toute cette histoire sente le roussi pour les backers j’ai du mal à sympathiser avec des gens qui ont misé leur argent de poche sur un projet de Peter Molyneux.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas l’animal, il faut savoir que toute sa carrière dans l’industrie a été une longue suite de semi-mensonges et de promesses non tenues.
Son premier job de développement ? Pour le compte de Commodore, qui livra à sa société d’exportation de haricots “Taurus” une dizaine d’Amigas, pensant qu’il s’agissait de la société de logiciels ‘TORUS’. Au lieu de clarifier le malentendu, Molyneux a sauté sur l’occasion et a créé son propre logiciel de gestion de bases de données.

Plus tard pour porter des jeux sur Amiga, son plus grand tour de passe passe était de réduire de moitié l’écran d’action pour améliorer le framerate.

Grâce à ses talents et n’en doutons pas son bagout et charisme, le père Peter signe avec EA pour l’édition de ses jeux Bullfrog et sort quelques titres emblématiques du début des 90s avec les Populous, Dungeon Keeper et Theme Park parfois terminés à la va-vite, les cycles de développement de l’époque étant particulièrement courts.

C’est avec son nouveau studio Lionhead que tout dérape et en reprenant le God Game, Molyneux ne peut s’empêcher de faire des promesses ahurissantes. Mais évidemment qu’il sera possible d’orienter toute l’histoire dans Black & White, évidemment qu’on pourra suivre la vie de ses citoyens sur plusieurs générations, bien sûr que la bête-totem appendra pendant des années.

Au final un jeu de gestion sympa mais clairement pas révolutionnaire aux quêtes pénible et au micro-management forcé.

Puis sont arrivés les Fable, et avec eux les nouvelles promesses, toujours plus grandes, toujours plus folles d’univers persistant où planter une graine aboutira à un arbre, où le physique du héros changera dynamiquement, où l’on combattra des dragons, où le stress influencera l'âge du personnage, où la réputation précédera le joueur, où les crimes seront punis de prison, où les chiens joueront un rôle capital…

Puis est venu et repartit Project Milo, un non-jeu kinect dans lequel le joueur interagit avec un marmot virtuel, annulé avant même d’avoir livré quoi que ce soit.

Et enfin Curiosity, le gigantesque cube à décimer, bloc par bloc, jusqu’à offrir une surprise capable de changer une vie : l’intégration du joueur à Godus en tant que dieu des dieux. Pas de chance : le dieu a été oublié par l’homme et deux ans après sa victoire, Bryan Henderson attend toujours d’être contacté par Peter Molyneux.

Aujourd’hui, Rock Paper Shotgun aligne Peter Molyneux lors d’une interview-fleuve en lui demandant de différentes manières si ses mensonges sont pathologiques ou juste le fruit d’un trop grand enthousiasme.

“Je ne sais pas” explique l’animal, je ne sais pas combien de temps ça prend de faire un jeu, je ne sais pas combien ça coûte et je ne sais pas où on va.
Dur à croire après 30 ans de production de jeux, après avoir travaillé avec Electronic Arts, après avoir été directeur créatif de Microsoft Game Studios Europe.

Alors oui l’interview est hilarante dans un registre de cringe comédie un peu maladroite et oui c’est facile de jeter des pierres, des feuilles ou des shotgun à Molyneux pour son retard sur Godus.

Mais la responsabilité des gens qui lui ont donné plus de 500.000 livres sans sourcilier un centime ne devait-elle pas être soulevée également, ne serait-ce que partiellement ?

Ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un gentleman au flegme so British qui promet un jeu de stratégie et d’une plateforme numérique pour faire ses dons qu’il faut abandonner tout bon sens et se jeter sur la première arnaque en col roulé qui passe.

Et soit dit en passant, la mitigation des risques induit par les game designers beaux-parleurs c’est aussi le job d’un éditeur.

À moins que le gens ne pensaient filer de l’argent à Peter Molydeux, auquel cas ils sont à moitié pardonnés, lui au moins il est drôle.

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