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Cinéma tics

Cinéma tics
Pierre
5 commentaires
Il y a quelques jours, je jouais naïvement à Metal Gear Solid 4 et, plus ou moins par erreur j’ai réalisé une sauvegarde juste avant la fin d’un acte, et une seconde juste au début de l’acte suivant. J’ai pu ainsi constater d’après l’heure des sauvegardes que la bagatelle de 36 minutes de scènes cinématique ce sont glissées entre deux phases de gameplay, ouaip comme ça, y avait du reste, le boucher Kojima l’a laissé.

Pendant 36 minutes, on m’a enlevé l’élément principal distinctif de mon jeu : l’interactivité et on m’a planté avec un mauvais film au scénario vaguement incompréhensible.
Je me suis demandé s’il existait un autre forme d'art qui s’autorisait à introduire un autre média pendant des durées aussi considérables. Imaginez un film avec une demie heure sans images ou avec un unique slide show. Un album sans son pendant 20 minutes. Il doit bien y avoir quelques projets underground ayant des idées saugrenues de la sorte, mais dans le jeu vidéo c’est un peu une idée fixe.

Notez bien que je n'ai rien contre l'inspiration cinéma. Je pense même que c'est une très bonne chose que les jeux se réapproprient certaines techniques de films. Mais pas au détriment du gameplay.
Ce qui est d'ailleurs rigolo c’est de constater qu’à chaque fois les créateurs de jeux sentent bien qu’il manque quelque chose lors de ces longues séances inactives. Certains se sont dit qu’il serait de bon ton de rappeler au joueur qu’il a son mot à dire en lui demandant de tapoter un bouton de temps en temps. Une non-solution puisque l’interactivité est complètement fictive et rares sont les QTE à avoir suffisamment d’embranchements pour se justifier. D’autres proposent au joueur de choisir une petite phrase de temps à autres, afin de faire comme si on gérait vraiment son perso. Metal Gear Solid propose toute une batterie de petits gadgets avec lesquels jouer pour tromper l’ennui. On peut zoomer, activer des flashback à des moments clés, changer l’angle de caméra, passer en vue multi-écrans voire contrôler un robot-caméraman pour avoir une vue exclusive de la scène ou bien looter quelques bonus cachés.

Comment l'on peut déceler un problème suffisamment tôt dans la conception pour vouloir le contourner, mais pas suffisamment tôt pour vouloir le régler à la source, ça me dépasse complètement. Toujours est-il qu'au final en plus de priver de l’interactivité promise par le jeu, ces artifices font perdre le peu d'intérêt et de concentration qu'il nous restait sur ces longues séquences de blabla. Parce que du coup ce qu'il a bien pu se dire pendant ces 36 minutes de débats, de briefings, de débriefings, de parlotte, de planification et de contestations en tout genre, je serais bien incapable de le dire.

Il parait que l'une des raisons qui pousse à créer toujours plus de cinématique vient du fait qu'il est plus facile de convaincre un patron, un CEO, un investisseur sur le potentiel d'un jeu en montrant une séquence qui en met plein la vue plutôt qu'un jeu concret. D'où la création de ces phases de Target-Gameplay, séances full-CGI mimant de très loin ce à quoi pourrait peut-être ressembler le jeu si jamais on obtient quelques millions et 800 développeurs de plus.
Mais même Yves Guillemot semblait récemment redouter l'impact de telles promesses dans le cycle de développement.

J'imagine bien que le facteur temps est également non-négligeable. Après tout une cinématique de 36 minutes dure bien 36 minutes. Quel que soit le joueur. Ou le journaliste. Alors qu'une séquence de gameplay aux petits oignons avec détails dans tous les coins et minutie dans le placement des assets, ça sera vite torché par un PGM avide de voir le générique pour passer au multi, peut être un peu plus longtemps si l'on cache la promesse d'un achievement sous formes de saletés à ramasser dans les coins les plus incongrus de la map.

Mais hé, c'est aussi ça la rançon d'un média que les consommateurs peuvent apprécier à leur rythme. De la même manière qu'une BD belge qui prend une bonne année de construction peut se terminer en 20 minutes, un jeu bien fait peut aussi se terminer comme une balade de santé.

Mais je ne peux pas être le seul à trouver que 36 minutes de film dans mon jeu vidéo c'est d'abord et avant tout 36 minutes de perdues pour moi, petit joueur.

Commentaires

  • FulRoro |
    Super sympa comme billet, comme d'hab.
    Depuis le temps que c'est lancé, ça marche bien alors vos comics ? Vous avez beaucoup de visite ?
  • BH |
    Bah oui tu vois pas comme on est submergés par les commentaires ?
    Non ça démarre très lentement, on songe à faire un peu de promo ailleurs.
  • Spay |
    Ca intéresserait qui ? :b
    Non je rigole.

    Je trouve que le cinéma dans le jeu vidéo c'est pas si génial que ça. Perso, une cinématique de temps en temps comme dans Tales of Vesperia (premier jeu qui me vient à l'esprit: quelques très rares cinématiques, une vers le début et une à la fin) ça me suffit amplement.

    Pour moi la narration d'un jeu doit surtout passer par le gameplay, pas par des cinématiques trop longues...
  • BH |
    Disons qu'à partir du moment où tu dois retirer l'interactivité du jeu pour raconter ton histoire, c'est que tu ne fais plus du jeu vidéo mais du cinéma (ou du machinima en l'occurence...) et ça prouve bien que ton jeu n'a pas été pensé correctement.
  • fleau scourge |
    Depuis que vous m'avez convaincu en quoi les cinématiques c'est naze dans le jeu vidéo, c'est ouf comme je me fais beaucoup plus chier qu'avant pendant ces phases !
    IL n'y a plus beaucoup de jeux sans cinématiques au scénar bien développé. Portal 2 est peut-être un bon exemple de survivant.