C'est intéressant cette histoire de Silent Reviews parce que ça met en avant deux grands problèmes des éditeurs modernes : Ils n'ont aucun recul sur leurs propres productions et ils accordent une importance démesurée à la presse.
Le manque de recul est particulièrement problématique. Les équipes ont tellement le nez dans le guidon que personne n'est plus capable d'avoir un regard objectif sur le projet. Les développeurs ont travaillé sur des parties de plus en plus petites et fragmentées d'une œuvre qui n'a de sens qu'en son ensemble. Alors on finit par arriver à cette situation vaguement comique où des entreprises comptant des milliers de collaborateurs en viennent à engager des journalistes, avec des précautions dignes d'agents secrets, pour enfin retrouver un certain regard objectif sur un produit qui a coûté des dizaines de millions d'euros et qui se trouve en développement depuis plusieurs années. Et cet avis pèsera lourd pour l'avenir du jeu : de la stratégie de communication, à la date de sortie, en passant par des features retravaillées ou supprimées, les silent reviews peuvent réellement avoir un impact lourd sur toute la chaîne de création.
La grande confiance en la presse pourrait être un point positif : cela montre bien que l'éditeur se préoccupe de savoir ce que le public (à travers un journaliste) pourra penser du titre et cherche avant tout à améliorer son produit. Le problème vient du fait que cette volonté de caresser le public dans le sens du poil interdit également de chercher à le bousculer, à remettre en question ses croyances, ses idées préconçues sur ce qu'un jeu doit être ou avoir. Imaginons une minute les producteurs de films de Spielberg ou Scorsese commencer à demander l'avis de Télérama en proj privée avant de repartir en salle de montage pour intégrer les désirs de Ferenczi.
Alors certes, les projections de test existent au cinéma et certains films s'en trouvent particulièrement affectés. Mais les projections de test ont leur pendant dans le jeu vidéo également : les play-tests qui utilisent effectivement différents groupes de consommateurs et permet d'avoir un suivi des réactions pour chaque segment visé.
Et là encore on retombe dans un schéma de polissage et de calibrage pour les masses. Parce que soyons tout à fait clair : ce que cherche l'éditeur lorsqu'il commande une silent review, c'est avant tout à se rassurer lui-même, à obtenir son bon point, son badge, son achievement qui couronne une road-map suivie à la lettre. Une mesure d'assurance qualité qui garantit surtout aux jeux d'être très exactement ce qu'IGN, Gamespot et JVC attendent qu'ils soient d'après une grille d'évaluation immuable : Graphismes, OK, Durée de vie, OK, scénario, OK, sound-design, OK...
Au final tous y trouvent leur compte, l'équipe de production d'abord (Vous voyez, la silent dit qu'on a besoin de 6 mois supplémentaires !), l'équipe de communication (Oula, avec de tels notes en silent, je préconise un embargo jusqu'à la release !), les preneurs de décision (Pffiou, on a bien fait de mettre ces millions, la silent promet un 18/20), et on peut même justifier une éventuelle déconvenue (Ah ben non, pas possible, la silent nous avait garantie un 8.2/10 !), jusqu'aux journalistes eux-mêmes qui touchent en général un petit bonus pas négligeable pour 10h de jeu et un gros papier.
Pourtant un aspect n'est absolument jamais abordé lors de ces reviews plus-objectives-tu-meurs : et si les journalistes ne comprennent pas le jeu ? Et s'ils ne sont pas touchés par l'idée, par le concept véhiculé ? Et si tout ce qui a été réalisé par l'équipe de développement n'éveille rien chez ces professionnels de la note ?
Ah non pardon, pendant une seconde j'ai presque cru que l'on parlait d'un médium qui a quelque chose à dire.
Le manque de recul est particulièrement problématique. Les équipes ont tellement le nez dans le guidon que personne n'est plus capable d'avoir un regard objectif sur le projet. Les développeurs ont travaillé sur des parties de plus en plus petites et fragmentées d'une œuvre qui n'a de sens qu'en son ensemble. Alors on finit par arriver à cette situation vaguement comique où des entreprises comptant des milliers de collaborateurs en viennent à engager des journalistes, avec des précautions dignes d'agents secrets, pour enfin retrouver un certain regard objectif sur un produit qui a coûté des dizaines de millions d'euros et qui se trouve en développement depuis plusieurs années. Et cet avis pèsera lourd pour l'avenir du jeu : de la stratégie de communication, à la date de sortie, en passant par des features retravaillées ou supprimées, les silent reviews peuvent réellement avoir un impact lourd sur toute la chaîne de création.
La grande confiance en la presse pourrait être un point positif : cela montre bien que l'éditeur se préoccupe de savoir ce que le public (à travers un journaliste) pourra penser du titre et cherche avant tout à améliorer son produit. Le problème vient du fait que cette volonté de caresser le public dans le sens du poil interdit également de chercher à le bousculer, à remettre en question ses croyances, ses idées préconçues sur ce qu'un jeu doit être ou avoir. Imaginons une minute les producteurs de films de Spielberg ou Scorsese commencer à demander l'avis de Télérama en proj privée avant de repartir en salle de montage pour intégrer les désirs de Ferenczi.
Alors certes, les projections de test existent au cinéma et certains films s'en trouvent particulièrement affectés. Mais les projections de test ont leur pendant dans le jeu vidéo également : les play-tests qui utilisent effectivement différents groupes de consommateurs et permet d'avoir un suivi des réactions pour chaque segment visé.
Et là encore on retombe dans un schéma de polissage et de calibrage pour les masses. Parce que soyons tout à fait clair : ce que cherche l'éditeur lorsqu'il commande une silent review, c'est avant tout à se rassurer lui-même, à obtenir son bon point, son badge, son achievement qui couronne une road-map suivie à la lettre. Une mesure d'assurance qualité qui garantit surtout aux jeux d'être très exactement ce qu'IGN, Gamespot et JVC attendent qu'ils soient d'après une grille d'évaluation immuable : Graphismes, OK, Durée de vie, OK, scénario, OK, sound-design, OK...
Au final tous y trouvent leur compte, l'équipe de production d'abord (Vous voyez, la silent dit qu'on a besoin de 6 mois supplémentaires !), l'équipe de communication (Oula, avec de tels notes en silent, je préconise un embargo jusqu'à la release !), les preneurs de décision (Pffiou, on a bien fait de mettre ces millions, la silent promet un 18/20), et on peut même justifier une éventuelle déconvenue (Ah ben non, pas possible, la silent nous avait garantie un 8.2/10 !), jusqu'aux journalistes eux-mêmes qui touchent en général un petit bonus pas négligeable pour 10h de jeu et un gros papier.
Pourtant un aspect n'est absolument jamais abordé lors de ces reviews plus-objectives-tu-meurs : et si les journalistes ne comprennent pas le jeu ? Et s'ils ne sont pas touchés par l'idée, par le concept véhiculé ? Et si tout ce qui a été réalisé par l'équipe de développement n'éveille rien chez ces professionnels de la note ?
Ah non pardon, pendant une seconde j'ai presque cru que l'on parlait d'un médium qui a quelque chose à dire.
Commentaires
Puis bon, dans le cinéma aussi la presse peut être complètement à côté de la plaque et ça descend plein de bonnes initiatives.
En l'occurence, sur Alien ils ont été très forts puisqu'ils ont réussi à faire croire jusqu'à la sortie qu'il s'agissait d'un bon jeu.
Ils ont tout utilisé : les previews en bonnes conditions, les trailers en CGI, l'embargo jusqu'à la sortie du titre et appui de la licence.