> Le Blog BD qui vous rappelle qu'il faut mettre un S à comics et pas à Jeux Vidéo

Une qualité rare

Une qualité rare
Pierre
1 commentaire
La grande différence entre le jeu vidéo et le cinéma est le mode d’organisation des productions. Le cinéma s’est assez rapidement orienté vers un management bipartite avec un réalisateur et un ou plusieurs producteurs.
Le réalisateur est responsable de la partie artistique, la vision, la création et la gestion de l’équipe artistique. Il est l’auteur du film, il récupère les louanges à Cannes.
Ainsi dans la vision moderne du film, peu importe que des millions de gens aient bossé sur Avatar, c’est le film de Cameron, comme s’il l’avait fait dans son jardin avec un caméscope.

Le producteur est responsable de la partie logistique en permettant au film de se faire techniquement, financièrement et humainement. C’est lui qui récupère les coups de bâton si le film fait un flop.

C’est un modèle relativement équilibré qui permet au réalisateur de se concentrer sur ce qu’il fait de mieux : un film.
Parmi les problèmes que le système engendre : l’effet diva et la mise au second plan les directeurs photo, scénaristes, compositeurs etc. Et le conflit plus ou moins permanent entre réal et prod.

Je suspecte que c’est avant tout pour contourner ce dernier point que l’industrie du jeu vidéo a opté pour une méthode différente : la mise à plat de la hiérarchie. Dans l’équipe de développement d’un jeu, il n’y a pas de réalisateur. Il y a un producteur dont le rôle est plus souvent celui de chef de projet qu’autre chose. Il y a un directeur artistique qui définit le look & feel du jeu. Il y a bien un game designer qui selon ma logique est la personne la plus importante d’une dev team mais qui dans les faits est en charge de tout ce que la boite a envie de lui filer : le gameplay, le level design, la monétisation et j’en passe.

De cette absence de personnage fort, auteur et responsable du projet, se créé une espèce de responsabilité commune. Contrairement à un film, un jeu est avant tout le travail d’une équipe. On sait que GTA est fait par Rockstar, que Assassin’s Creed est fait par Ubisoft, que The Witcher est fait par CDProjekt et pas plus de détails.

C’est bien pratique pour les entreprises parce que ça permet de changer les gens voire les studios sans éveiller les soupçons. Batman Arkham Origins, c’est pas Rocksteady, et ça se sent. Halo 4, c’est plus Bungie, mais 343 industries. C’est en poussant cette logique un peu loin qu’Activision et Ubisoft peuvent proposer des Call of Duty et Assassin’s Creed tous les ans.

C’est pas cool pour les joueurs qui n’ont du coup pas de point de référence, et parfois c’est aussi une mauvaise surprise quand un studio est racheté pour son nom très classe avant de se révéler être une coquille vide.

C’est un peu ce qui est arrivé à Microsoft lorsqu’il a racheté le studio de développement Rare à Nintendo en 2002 pour la bagatelle de 375 millions de dollars.
Certes, à ce prix là toutes les IP non-Nintendo ont été acquises (comme Blast Corps.), mais le gros des talents s’était fait la malle depuis longtemps, notamment chez Free Radical pour faire du TimeSplitters.

De la team restante, MS a réussi à tirer un Grabbed by the Ghoulies avant de dégoûter d'autres développeurs, notamment les fondateurs. Après cela, un Kameo et un PDZ pour la 360, deux Viva Piñata et un Banjo, puis le studio a été entièrement dédié à la création des avatars Xbox et aux différents projets de jeux Kinect, jusqu’à Kinect Sports Rivals sur Xbox One. Même Killet Instinct a été mis entre les mains d’autres studios pour le free to play 2014.

Soit un immense sentiment de gâchis quand on voit le potentiel parti en fumée et un épais voile de cynisme quand Spencer annonce tout sourire à l’E3 une compil de trente jeux Rare tels quels. Pas de remakes, pas de versions améliorées, HD, 60/1080. Juste l’assurance que les jeux tournent sur Xbox.

Le tout après l’annonce fugace d’un jeu de pirates relégué tout au fond des jeux exclusifs, sans même une page dédiée alors qu’il s’agit sans doute d’un des trucs les plus excitant du salon.

Comme quoi, c’est pas le tout d’acheter des licences et des studios à plein tube, quand on veut jouer au producteur géant il faut aussi être capable de reconnaître les vrais auteurs dans ses équipes.

Commentaires

  • FulRoro |
    Ah là j'ai pigé le jeu de mots cette fois !
    Super strip et super billet en tout cas !