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Philosophie numérique

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Pierre
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Gomo me soutient que les gosses n’ont que deux positions : dormir et brailler. Je doute qu’on puisse lui faire confiance vu qu’il dit la même chose des chiens et des Game Designers. Pas la partie sur la sieste et les hurlements (encore que ; j’ai joué à Far Cry 4) mais le côté binaire de l’attitude.

Pour expliquer ce phénomène idiot de polarisation des positions en extrêmes il faut regarder ce qui influence la création d’un jeu. Et parmi les étapes intéressantes on a le profilage, soit quelques tonnes de mauvaise foi, d’aveuglement et d’auto-conviction qu’il existe des archétypes de joueurs bien définis qu’il faut brosser dans le sens du poil.
L’idée est simple : on imagine un joueur qui serait intéressé par le jeu, on lui attribue des fonctions sociales, des variables d’habitudes, voire d’habituelles variables, parfois même on lui donne un nom, un âge, une situation maritale et financière. Et en partant de ça on cherche à cocher les cases correspondantes comme mamie remplit sa grille de bingo.

Mon joueur type s’appelle Charles-Henri, il a 28 ans, il est probablement commercial, en union libre et est ancien fan de World of Warcraft, il cherche un jeu qui lui rappelle de bons souvenirs mais qui se torche rapidement et peut se jouer n’importe où (n’importe où ça veut dire iPhone en langage technique), il lit la presse spécialisée de loin, il aime la musique rock et il aime les Simpsons sur Facebook.
Charles-Henri donc, va jouer à Hearthstone parce qu’il y a un décorum familier, des parties de 10 minutes, des bonnes reviews sur l’app-store et tout un tas de moyens de dépenser son pognon.

Et évidemment pour rendre ces profils cernables et cibles faciles de game designs qui font mouche, il faut pousser tous les potards au max : Charles-Henri a des revenus de loisir inépuisables, Charles-Henri a le dernier iPad sorti et une connexion 4G permanente, Charles-Henri passe 82h par semaines sur mon jeu, Charles-Henri lit tous les magazines disponibles et regardes tous les youtubers, surtout le seul où je fais de la pub et petit à petit Charles-Henri cesse d’être un archétype de joueur pour devenir un rêve de Game Designer avec un jolie étiquette facilement identifiable : Charles-Henri le compétiteur, Charles-Henri le leader de communauté, Charles-Henri le collectionneur de chievos, Charles-Henri le joueur solo, Charles-Henri le créateur de machinimas...

Sauf que voilà dans les faits Charles-Henri n’existe pas. Pas comme ça en tout cas. Des Charles-Henris il en existe des millions et, surprise, ils sont tous différents. Tels les Ricks de la citadelle, les Charle-Henris ne sont pas limités à leurs jolis diagrammes dans un powerpoint. Je sais ça, Charles-Henri sait ça, tout le monde sait ça, mais tout le monde fait semblant de voir un profil type cloné bêtement et tout le monde serre silencieusement les fesses pour qu’il y ait assez de clones pour dépenser de l’argent dans Hearthstone.

Voilà pourquoi les Charles-Henris du monde en ont ras la claque des achievements dans tous les sens malgré les sondages qui disent que 10 Charles-Henris sur 10 voudraient collectionner plus de chievos sur Windows Phone.

Et voilà surtout pourquoi on se gratte toujours un peu la tête en se demandant qui fait toutes les quêtes annexes, qui termine les jeux à 100%, qui atteint le niveau max en moins de 20h, une main dans le dos.
Ou au contraire on se demande qui sont les gens qui n’ont pas le succès du deuxième niveau, qui sont ceux qui sont encore niveau 2 en multi joueur trois ans après la sortie du jeu ou qui achètent les guides stratégiques de jeux-couloirs.

Voilà pourquoi les jeux ont toujours l’air d’être un peu trop ou un peu trop peu. Comme les gosses et les gros chiens, ils ne sont pas pensés pour être utilisés par des humains normaux.

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