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Sous le soleil breton

Sous le soleil breton
Pierre
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La presse parle beaucoup (trop) de la petite guerre Ubisoft vs. Vivendi tournée en affaire de familles Guillemot vs. Bolloré que l’on aime nous faire suivre épisode après épisode comme une épique aventure légale présentant un drame humain sur fond de bataille capitaliste.
Sauf qu’on tient beaucoup plus de la saga de l’été France 2 que d’un thriller de Fincher et toutes ces chroniques news après news ont tendance à me laisser de marbre.

Oui, Bolloré veut la peau d’Ubi. Oui la dernière fois qu’il a touché à un groupe d’entertainment c’était Canal et ça s’est mal passé. Mais non Ubisoft n’est pas le dernier bastion de créativité de l’industrie du jeu et oui c’est le jeu ma pauvre Lucette quand on ouvre son capital à tout et n’importe qui. D’aucuns disent même un peu bien fait parce que le spectre d’une prise de contrôle par un plus gros que soi a comme des relents de déjà vu après la prise de participation d’EA il y a douze ans de ça.

Sauf que précisément, Bolloré n’est pas EA puisque le groupe du breton vaut presque cinq fois la machine à FIFAs. Du coup on peut épiloguer cent sept ans sur la capacité des Guillemots à rallier les petits actionnaires à leur cause, et s’émerveiller des petits coups d’éclats auprès de BPI France, mais au final quand Bolloré voudra réellement croquer les Bretons Indépendants Unis, il n’aura aucune peine à le faire. Et ce ne sera peut-être même pas dans un bang ou un affrontement à coups de lames secrètes mais avec un simple doublement des droits de vote dont Bolloré pourra bénéficier dès novembre 2017.

Il va sans dire que ces tractations économiques sont à peu près aussi palpitantes que les plans de DLC de The Division et qu’on aurait nettement que la dernière assemblée générale d’ubi, pourtant live tweeté par tous les grands reporters du milieu, soit le cadre d’un littéral retournement de situation commandité par ce bon vieux Patrice Désilets impatient de foutre dehors ceux qui l’ont poussé par deux fois vers la sortie et de diriger l’intégralité de la trésorerie du groupe vers un projet follement ambitieux capable de partir en flamme avant même d’avoir eu droit à une suite.

Et du coup à défaut d’affrontement réellement foufou pour écluser le popcorn (le représentant de Bolloré s’étant contenté de s’abstenir à toutes les questions de l’AG), ce qui m’a le plus passionné dans cette affaire c’est la ferveur avec laquelle les employés d’Ubisoft se sont montré unis pour soutenir Yves Guillemot et le directoire actuel. Vidéos, T-shirts, badges, témoignages de soutien aux exilés de Canal+… Une instrumentation de la force de travail assez inédite et qui peut sembler suspecte au sein d’une société qui avait engendré 17 ans plus tôt Ubi Free, le premier syndicat virtuel, qui dénonçait les conditions de travail de l’époque.

La réaction des employés ne me parait pourtant pas totalement factice aujourd’hui. Il y a certes la peur de l’ogre Bolloré dont les méthodes n’augurent pas précisément de matins qui chantent d’une part, et la hantise de voir se réduire le premier employeur du secteur. Mais il y a aussi une culture de la « famille » ubisoftienne assenée dès le premier jour de travail et entretenue tout au long de la carrière, une famille dans laquelle Yves Guillemot fait bien entendu figure de Papa bienveillant. Vu le fort turnover de la boite, pas de doute que la méthode ne soit pas du goût de tout le monde, mais pour quiconque adhère au concept et résiste à la forte politisation interne, il y a de belles opportunités de carrières forgées dans des amitiés de travail. Et forcément voir dix ans d’ascension mis en péril par l’arrivée d’un requin du capitalisme, ça pousse à montrer un peu de solidarité.

M’enfin la solidarité employés-employeur c’est comme la relation félin-dompteur, ça dépend surtout de qui tient le fouet à un moment T, et lorsqu'il s'agit de passer d’un Breton à un autre, j’imagine que la fidélité aussi, ça a un prix.

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