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Patch

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Pierre
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Assassin’s Creed y a des années avec et des années sans. Et là c’est une année sans. Sans jeu, c’est certain puisque la série se remet d’une méchante overdose post-syndicate, mais aussi sans succès si l’on en croit l’échec tant critique que commercial du film avec Fassbender.

Alors évidemment tout ça sonne un peu bizarre aujourd’hui. Pourquoi diable sortir un film AC la seule année sans jeu ? Pourquoi même produire un film tout court quand on s’appelle Ubisoft ; qu’on est dans le business du jeu et qu’on donne à l’ogre Vivendi les justifications d’une synergie avec le groupe Canal qui n’avait pas lieu d’être avant ?

Pour le comprendre il faut remonter à Prince of Persia. Sands of Time pour ne pas le nommer, qui cartonne en 2003 et tape dans l’œil d’Hollywood et notamment Jerry Bruckheimer qui voit dans le prince virevoltant un joli moyen de réitérer le coup de poker Pirate of the Caribbean
En 2004, alors fort occupé à regarnir son portfolio Ubisoft cède les droits qu’il co-détient avec Jordan Mechner tout content de travailler sur un script de film. L’industrie du film étant du genre à prendre son temps, le tournage ne débute qu’en 2008 et le film lui-même n’est pas sur les écrans avant 2010 ce qui n’arrange pas du tout les affaires d’Ubi.

Non seulement le succès échappe complètement aux Bretons d’un point de vue financier puisque Bruckheimer (le producteur) et Disney (le distributeur) se partagent tous les profits qui excèdent plutôt largement le coût de production. Mais en plus, le timing est particulièrement mauvais puisque les jeux PoP ont, entre-temps, lassé le public et n’accompagne le film qu’un Forgotten Sands pas fameux-fameux pendant que Sands of time, le jeu éponyme du film est bradé dans des bacs à promo à la Fnac pour cause de back-catalogue vieillissant. Le tout étant, bien sûr, cannibalisé par les ventes grandissantes d’Assassin’s Creed II, nouveau poulain maison sur lequel tout a été misé.

Pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il n’était pas question pour Ubi de vendre sa nouvelle poule aux œufs d’or à un studio hollywoodien. Il s’agissait désormais de produire ses propres films en en gardant le plus de contrôle possible. Ainsi naquit Ubi Motion Picture avec pour mission d’adapter les grands succès maison, dont le premier devait être Assassin’s Creed.

Sauf que dans l’industrie du cinéma, tout est plus lent que dans le jeu vidéo, même et surtout quand on essaye de faire les choses soi-même. C’est comme ça que le film de ce noël n’a rien à voir avec les trois précédents jeux. C’est comme ça que le film tombe la première année où les gens ne veulent plus d’Assassin’s Creed. C’est comme ça que le film est surpris à mettre Yves Guillemot en porte à faux quand il se défend de faire la même chose que Bolloré. Et c’est comme ça que le film se ramasse à la petite cuillère en face d’un Disney qui aligne les Star Wars et les Marvel comme les strikes au bowling.

Toute la question sera donc de savoir si Ubisoft va absorber ses pertes, se refaire sur le marché de la VOD et revenir dans 3 ans avec un film the Division (quand plus personne ne voudra de the Division) ou s’il jettera l’éponge tout de suite en se disant que le cinéma c’est très compliqué quand même.

Vu les investissements effectués jusqu’à présent, les projets qui doivent encore être en pleine phase de pré-prod et l’engagement tous azimuts de la bande à Guillemot, je me dis que tout ça risque de ne pas finir à la poubelle au premier échec venu, mais il faut aussi prendre en compte qu’Ubi est une entreprise qui a la culture de la réaction. A tout événement sa réponse, à toute demande sa contre-proposition. D’où une très persistante habitude de patcher ce qui ne plait pas, d’où une habitude de faire des suites et de corriger le tir, d’où une obsession presque malsaine pour le benchmark et le postmortem tant interne qu’externe.

Seulement avec des temps de développement de l’ordre d’une génération de console, le business du film va nécessiter flair, anticipation et vision à long terme.
Soit pas tout à fait la carte de visite d’une boite qui n’a pas vu venir son propre rachat.

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