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Malheur social

Malheur social
Pierre
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Il fut un temps où le jeu vidéo était l’apanage de l’asociabilité. Avant le jeu en ligne, avant les groupes de rock virtuels, avant les quatre ports manettes de série, avant le couch gaming musclé.
Il y avait bien des cools kids qui rassemblaient autour de leur Game Gear couleur à la récré et quelques vaines tentatives de suivre Sonic avec un Tails dédié au pauvre controlleur n°2, mais les vrais savaient bien que les meilleures aventures étaient celles que l’ont se forgeait seul entre quatre pixels et trois notes en midi. Celles qui se passaient en grande partie dans sa tête et plus encore lorsqu’on les racontait en amplifiant le moindre détail à la puissance 100.

On s’inventait une back-story pour les petites chauves-souris de Castlevania, on imaginait la vie du vendeur du village de Cocolint dans Link’s Awakening, on avait sa petite moto favorite dans Motocross Maniacs.
Bref c’était la belle vie.

Puis les jeux sont devenus plus beaux, les personnages plus convaincants, les environnements plus réalistes, les attitudes carrément flippantes et rapidement il n’a plus été possible du tout d’imaginer la vie cachée d’un PNJ d’Assassin’s Creed quand il te balance en boucle la même phrase que les 32 qui l’ont précédé.

Alors pour palier à l’empathie qui fout le camp à mesure qu’on plonge dans les limbes de l’uncanny valley, les devs de jeux modernes se sont foutus en tête de créer du relationnel avec les personnages qui nous entourent.
Pire encore, ils ont intégré cette partie aux mécaniques de jeu en gamifiant toute l’approche sociale à base de dialogues à choix multiples, de points d’affinité et une mémoire persistante qui cartographie inlassablement les décisions que l’on peut prendre pendant la partie.

Je veux bien sûr parler des productions BioWare, TaleTell et autres indés à la Oxenfree, Pyre ou Firewatch qui se font un malin plaisir de rendre l’interaction sociale avec des robots non seulement possible mais complètement indispensable à la progression dans l’aventure.

Et notre plaisir de nerd replié sur soi-même exige alors de déployer des trésors de diplomatie pour ne pas passer pour une buse aux yeux très virtuels d’une galerie de personnages qui ne semblent jamais vraiment satisfaits de ce qu’on peut bien leur raconter.

En quelques décennies on est ainsi passés de professionnels du lance-roquette capable d’annihiler toute forme de vie à experts du pas léger sur coquilles d’œufs très fragiles.

Un paradoxe qui n’a pas échappé à Gomo qui, au court de son interminable run de Persona, a pu lui aussi s’adonner aux joies de la flagornerie de pixels en se faisant best buddy avec son crew de lycéens japonais. Avec sans doute un léger excès de zèle si l’on en croit son échec à obtenir une relation médiocre pendant les vacances d’été.

Parce que oui, pour réussir à ces concours de popularité permanents, il faut aussi savoir perdre un peu et assumer son statut de chef de gang en jouant les durs à avoir ; vicieux non ?


Une situation qui, à l’instar de la course au réalisme, arrivera bien vite à bout de souffle tant les situations et réactions des personnages vont se cogner aux limites de l’exercice. Il suffit de voir avec un peu de gêne les grandes tentatives de créer des liens intenses avec les personnages de David Cage ou les avatars des dating sims en VR pour se rassurer quant à l’impasse du test de turing et se dire que la chasse aux démons de l’espace a encore quelques beaux jours devant elle.
Est encore loin le moment où la tronçonneuse ou le fusil à canon scié se décideront, eux aussi, à tailler une petite bavette…

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