> Le Blog BD qui vous rappelle qu'il faut mettre un S à comics et pas à Jeux Vidéo

Yo dawg

Yo dawg
Pierre
Aucun commentaire
Le travail d’un attaché de presse d’un éditeur de jeux vidéo est simple à formuler : il s’agit d’obtenir le plus possible de couverture positive dans la presse au sujet de la marque représentée.
Pour mener à bien sa mission il ou elle peut user de plusieurs armes : les communiqués de presse, petits messages officiels envoyés au nom de l’entreprise à tous les organes de presse intéressés, les versions de test pour réalisation de previews ou reviews, les événements presse confrontant les journalistes au jeu dans des conditions particulières, les interviews avec les membres de l’équipe de développement, les exclusivités (couvertures, annonces, preview), les salons professionnels, les goodies, la coke et les putes etc.

Mais l’arme qui s’est montrée la plus efficace, pour peu que la marque ait déjà une certaine reconnaissance, c’est le teasing. C’est à dire qu’au lieu de montrer quelque chose de concret, on annonce quelque chose, qui sera peut-être concret, un jour.
C’est très pratique pour les RP qui peuvent faire plus avec moins d’assets marketing. Une vidéo ? Un teaser de 30 secondes, et un trailer de 2min, peu d’efforts, deux points de communication;
C’est aussi très pratique pour les magazines : ça n’engage à rien, on n’a pas besoin de commenter, pas besoin de mettre sa parole en jeu.
Et enfin c’est très pratique pour déclencher un effet viral : plus c’est court, plus les gens devraient se poser des questions et demander à leurs potes sur les réseaux sociaux.

Si ça devient effectivement viral c’est win pour tout le monde. Les éditeurs font du buzz à moindre frais, les médias voient leur zone d’influence s’élargir et les consommateurs ont un peu l’impression de participer à tout ça (on lâchera un teaser au bout de 50K likes sur Facebook !).

Et effectivement ça marche tout ça, ça marche d’ailleurs tellement bien que les sites font des annonces d’annonces. Bientôt le teaser qui vous montrera un bout du trailer qui vous donnera un avant goût de la preview qui annoncera ce qu’il y aura dans la review d’un jeu que vous avez de toute manière déjà réservé.

Prenons le cas des présentations des nouvelles consoles. Microsoft avait annoncé son intention de présenter la Xbox One le 21 Mai 2013 (oui, la fameuse conférence TV-sport-TV). Une info que s’est empressée de relayer le gratin de la presse jeux vidéo.
Mais après tout pourquoi ? Toute la section tests/reviews est un vaste guide d’achat, d’accord c’est accepté. Mais alors que fait-on des news ? Du teasing ?

Le rôle de la presse devrait consister à trouver des faits, à les analyser, à les vérifier, et à les exposer à son lectorat. Le seul fait avéré et vérifié dans l'annonce de l'annonce de la xbox était la date, le 21 Mai.
Tel le crieur publique la presse annonce l'heure de Redmond : “Oyé oyé le 21 Mai à 21H Microsoft parlera de sa console, dormez paisiblement braves gens !”
Sauf que le crieur publique moyenâgeux répondait à un besoin de circulation de l'information qui n'était pas offert au roi, aux corporations, à l'Église etc.
Aujourd'hui tous les troubadours modernes ont accès à des outils très performants leur permettant de hurler à qui veut l'entendre l'heure de leurs petits coups d'éclats, telle la présentation de leur prochaine console de jeux.
De fait est-ce que le rôle des organes de presse doit continuer d'être le véhicule de ces messages qui touchent déjà les gens ?
Que gagne-t-on quand il n'y a plus un crieur public mais un million, tous capables d'atteindre les mêmes gens. Un sentiment lassant d'écho dans le meilleur des cas, une sacré cacophonie dans le pire.

C'est d'autant plus agaçant quand les crieurs publiques ne donnent pas ici une information d'utilité publique comme l'heure, mais font circuler un message d'intérêt privé : Monsieur et Madame Microsoft ont le plaisir de vous inviter à la diffusion des échographies de leur nouveau bébé. Ce sera flou, on y verra pas grand-chose, on ne sera pas vraiment plus avancé après avoir vu que le marmot a bien des manettes, une carte graphique et un accès à internet mais ça va crier "Wouaouh" de partout et ça va applaudir très fort, alors il faudra bien prendre le même air ébahi que les autres.

Notez bien que tout ceci n’a pas été inventé pour les jeux, le cinéma fait depuis bien longtemps des teaser de trailers, et il suffit de jeter un œil aux dernières pubs pour le prochain Spider-Man pour tomber sur des “découvrez la suite de ce montage de 20 secondes pendant la pub du super bowl”. Ce qui a sans doute été largement repris par la presse ciné.

Je pense juste que si tout le monde s’accorde à dire que le jeu vidéo est loin d’avoir la maturité d’un médium comme le cinéma, il en a en revanche hérité de toutes les ficelles commerciales.
Soyons très clair : il n’y a pas de guerre entre les attachés de presse et la presse spécialisée comme il peut y en avoir au cinéma. La guerre de l’information du jeu vidéo est terminée depuis l’invention des CDs de démo, et je ne veux pas spoiler mais ce ne sont pas les lecteurs qui l’ont gagné.

Aucun commentaire