> 300 planches et pas de fausse hanche

Bon vins, bons jeux

Bon vins, bons jeux
Pierre
1 commentaire
L’ami Alex Effect en a un peu marre de lire les tops de ses potes et met un terme aux bien nommés Top Five Games Addicts avec un épisode 24 sur la fin. La fin du monde, des haricots, du gros sel ou des moyens. Quoi qu’il en soit, il nous demande de broder autour du jeu vidéo et comme dans ces cas-là je ne suis jamais le dernier, voilà mon petit top des fins en ordre décroissant.


1/Fin de génération
La fin n’est pas nécessairement quelque chose de négatif. Prenez la fin d’une génération de consoles par exemple, juste au moment du lancement de la suivante : c’est un moment un peu magique où les machines et leurs accessoires sont en général bradés comme s’il n’y avait pas de lendemain pour écouler les stocks, les interfaces et infrastructures sont matures et généralement consolidées par des années de patchs et d’itérations (sauf pour toi PS3), les jeux sont nombreux, terminés, les perles abondent dans des versions GOTY dodues comme des marmottes avant l'hiver et il n’y a pas encore de pseudo rareté à même de faire grimper les prix sur le net.
Bref, c’est le moment trop court où on peut se gaver de bonnes choses, à moindres frais et sans avoir à penser aux nouvelles machines hors de prix qui font régresser le schmilblick.


2/Fin de console
Pas tout à fait similaire à la fin de génération, la fin de console correspond au moment où le consolier décide d’arrêter les frais. Plus de production, plus de support, plus de bundles à Carrefour. Fini les promos, c’est le moment où l’on peut prendre un peu de recul, c’est le moment où le catalogue de jeux devient final et c’est, du coup, le moment où l’on jugera si la console était un vague accident industriel ou une légende que les gros gamers garderont sur un coin d’étagère avec nostalgie.
C’est aussi dans les cas d’Atari et Sega le moment où la fin d’une console voulait aussi dire la fin du rôle de fabricant de console.
La fin de la Dreamcast a notamment été cette transition surréaliste durant laquelle les fans de Sega voyaient leurs licences favorites être portées sur toutes ces consoles autrefois méprisées.
Autant dire une sacrée claque quand on a douze ans et qu’on jurait encore le mois précédent dans la cours de récré que Sony et Nintendo ne faisaient pas le poids.
Et oui, parfois je rêve d’avoir été capable de lire un bilan financier plus tôt.


3/Fin d'éditeur
Pas besoin d’être fabricant de consoles pour mettre la clé sous la porte ; les éditeurs y arrivent également très bien, quelles que soient leurs tailles. Parfois c’est assez triste, parfois c’est assez bien fait pour eux. Parfois encore, c’est en dépit de nombreux efforts tardifs et insuffisants.
Mais quoi qu’on en pense, une fin de publisher c’est une mauvaise nouvelle pour l’industrie : d’abord pour les gens qui perdent leur emploi, puis pour tous les projets qui ne pourront pas se faire sous leur forme actuelle, mais surtout parce que ça veut dire que les gros deviendront un peu plus gros et que les équipes de dev auront une porte de moins à laquelle aller frapper pour obtenir du financement pour leurs projets.
La période qui fait peut-être le plus mal au cœur est la vente aux enchères organisée pour liquider les actifs de la société, y compris les IPs et autres licences que les autres éditeurs ne se privent pas de venir piller sur le corps encore chaud de l’ancien concurrent.
Pas plus tard qu’en début de mois c’était au tour d’Interplay de vendre au plus offrant un bundle pas si humble que ça contenant, entre autres, Kingpin, MDK, Earthworm Jim, Messiah, Descent et Clayfighter. Mon petit doigt me dit que THQ-Nordic est sur le coup.


4/Fin de développeur
La fin d’un développeur, c’est à la fois beaucoup plus courant et beaucoup plus problématique que celle d’un éditeur. C’est très courant parce que les développeurs sont, pour la plupart, des petites structures menées par des gens dont la gestion d’entreprise n’est pas toujours l’intérêt premier. Et c’est très problématique parce qu’il s’agit de la structure à l’origine de la création et que son échec signifie, hélas aussi dans la tête des gens, un certain échec de la création.
Cette semaine, par exemple, ce sont les Canadiens de Roadhouse Interactive qui mordent la poussière, et du coup il est facile de se moquer de leur RPG free-to-play mobile au tour par tour basé sur Iron Maiden. Pourtant, vu la manière dont fonctionne l’industrie, il est impossible de blamer l’équipe entière pour un projet pourri. Il est tout à fait possible d’avoir d’excellents artistes, des chefs de projets compétents et beaucoup de talent au service de projets qui ne trouvent pas leur public. Il est tout à fait possible qu’une équipe qui bosse sur des portages un peu dégueux ou des projets mobiles anti-sexy puissent, par la suite, évoluer sur des titres brillants. A chaque fois qu’un studio est fermé à la suite d’un projet malheureux, je me demande ce qu’on va rater comme jeux petits et grands et combien des développeurs vont décider de rejoindre une énorme équipe, voire de quitter totalement l’industrie. Et à chaque fermeture de studio je sais que, là aussi, le champ créatif s’appauvrit un peu plus.


5/Fin de projet
Et au centre des fins de jeux qui me fascinent, il y a la fin prématurée d’un projet. C’est très difficile de voir l’interruption d’un développement de jeu vidéo dans la nature, parce que c’est du mauvais buzz, parce que les gens qui bossent sur les jeux ne veulent pas vraiment y croire, parce qu’on est pas à l’abri d’une reprise, d’un reboot du projet et enfin parce que les fans eux-mêmes ne veulent pas le savoir. Alors on joue la carte du politiquement correct et on dit que le développement est « en pause », qu’on y « reviendra le moment venu », que ça sortira « quand ce sera prêt ».
Mais parfois, les conditions sont telles qu’on sait. Un des rares « créateurs » quitte le navire, une techno est rendue caduque, la mode rend une licence obsolète et datée. Et on sait.
On sait qu’on n’aura jamais le Beyond Good & Evil 2 d'Ancel. On sait qu’on n'aura pas la fin de MGS V voulue par Kojima. On sait qu’on n’aura jamais ce nouveau TimeSplitters que les anciens de FreeRadical avaient promis. On sait qu’on n’aura jamais cet Indiana Jones si sexy qui utilisait Euphoria à une époque où personne ne le faisait. Et bien sûr on n’aura pas de Mechassault 3, même si personne ne l’a jamais annoncé et que personne d’autre que moi ne l’attendait.

Et en bon fanboys on râle, on pleure, on demande des kickstarters. Et de temps en temps, on voit des Shenmue III et on se dit que c’est pas toujours plus mal que certains projets ne se fassent pas.

Commentaires

  • Alexandre |
    Hello Pierre,

    Quel plaisir de lire ce classement ! Il m'a fait remémorer à quel point j'aimais te lire, surtout pour la réflexion sous-jacente aux différents intitulés.

    Et puis ont peut malgré tout avoir quelques surprises avec notamment Beyond Good & Evil 2, comme quoi rien n'est écrit dans le marbre, pour les jeux comme pour le reste ! Alors qui sait, tu l'auras peut-être un jour, ton Mechassault 3 ;-)