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Le Saviez-vous ? - Localisation

Le Saviez-vous ? - Localisation
Pierre
5 commentaires
Il était une époque, pas si lointaine où les jeux n'étaient pas localisés, et encore moins traduits. Les jeux étaient en anglais quelle que soit leur provenance avec parfois quelques restes de japonais en bonus quand le travail a été vraiment salopé.
Et puis dans les années 90 avec des consoles plus grand public, des cibles plus jeunes, et un marché européen plus intéressant, et des éditeurs européens non anglophones, les jeux ont commencé à avoir de plus en plus de localisations en français, allemand, italien, espagnol… D'abord de menus, puis de sous-titres. Puis sur la fin des 90s, ça s'est accéléré, les blockbusters avaient droit à une localisation complète, doublages inclus. Et on est tombé sur quelques jolies atrocités sur les hits Playstation notamment : Final Fantasy 7, Metal Gear Solid entre autres auront marqué les esprits, notamment au sein de leurs éditeurs respectifs puisque refaire un bout de traduction de Final Fantasy VII était un test d'entrée pour les traducteurs de Square Enix, et tous les Metal Gear Solid se sont vus édités directement en VOST en Europe.

Plus tard les doublages ont été réservés aux AAA les plus grand public ou aux jeux destinés aux enfants, certains jeux un peu fauchés ont même fait une croix sur la traduction complète tels les deux Shenmue pourtant sortis en 1999 et 2001, mais uniquement disponibles en Europe avec dialogues japonais et textes en anglais.
Aujourd'hui, la plupart des jeux disposant d'un éditeur sérieux ont droit à des version localisées solides, ce qui n'empêchent toutefois pas des jeux aux budgets colossaux tels que Halo, Aliens, Red Dead Redemption, d'avoir droit à leur lot de traductions louches, de contexte manquant, de contre-sens etc. pour le plus grand bonheur des fans qui repèrent impitoyablement les fautes marquantes.


Soyons clair : il y a énormément de raisons qui peuvent mener une localisation au désastre. La première est bien sûr la structure d'un jeu qui ne peut s'apprécier de manière linéaire. Quand un traducteur commence à travailler sur un livre ou un film, il le lit, le regarde en entier pour s'imprégner du contexte, de l'ambiance, du ton et du vocabulaire utilisé.
Impossible en revanche de terminer un jeu entier avant de commencer à le traduire. D'abord parce qu'il n'est souvent pas entièrement terminé quand la traduction débute, ensuite parce que ça prendrait beaucoup trop de temps et enfin parce que l'expérience peut changer énormément d'un joueur à l'autre et dans certains cas il est assez difficile d'avoir une vision globale du titre, notamment pour un RPG où le joueur choisi ses répliques.


Vient ensuite le processus de traduction en lui-même. La localisation d'un jeu est souvent sous-traitée à des agences ou des free-lancers, parfois en découpant le travail en petits bouts entre plusieurs traducteurs. Quand les outils de traductions (logiciels de mémoire, glossaires…) sont disponibles et de bonne qualité et que les traducteurs sont consciencieux, le travail peut être cohérent et soigné. Mais quand ce n'est pas le cas, le travail est alors fragmenté et ce qui n'est pas vu en relecture passe dans le jeu.
Enfin, il y a les problèmes structurels émanant des éditeurs et développeurs eux-mêmes avec un recrutement parfois laxiste supposant qu'un natif peut forcément être traducteur dans sa langue d'autant qu'il coûte moins cher qu'un traducteur formé (bah voui, ça rapporte combien un département traduction ?), une traduction européenne dérivée d'une première traduction en anglais, français, allemand... Une relecture limitée (si existante), et puis surtout il y a les délais incompressibles incompatibles avec un travail de recherche nécessaire à la qualité : le jeu sort pour noël, traduit ou pas.
Et puis une traduction pour le produit c'est une chose, mais il y a la suite : extensions, mises à jour, communication, support, gestion de communauté…
Encore des éléments à localiser, parfois non ou mal prévus, loca en urgence, besoin d'être rapide pour assurer la rétention des utilisateurs et bim, on y est, on tombe dedans, la localisation googletrad/reverso. Après tout ce n'est pas si grave, qui va le voir ? Et bien si justement, c'est grave, parce que tous les efforts de localisation réalisés en amont sont réduits à zéro par une traduction automatique. On finit par obtenir un produit moins attractif que s'il avait été laissé dans sa langue natale.


Plus étonnant : le revirement de Spiders, développeur de Mars: War Logs qui, à l'aide de son éditeur Focus, n'a pas hésité à refaire la localisation de son dernier jeu. Entièrement, écriture et doublages compris. Après avoir fait confiance à une agence externe pour la localisation anglaise de son jeu, l'équipe s'est tournée vers deux scénaristes américains natifs vétérans de l'industrie pour donner une réelle direction à l'ensemble et a finalement repacké la nouvelle traduction sous forme de gros patch gratuit pour la version PC et directement in-game pour la version consoles.

Comme quoi, même dans cette industrie on a encore des gens qui s'intéressent à une localisation bien faite. A moins que l'impact possible sur le marché anglophone ne soit, comme qui dirait, pas jouable.

Commentaires

  • Spay |
    Pour l'anecdote, en ce moment je suis en train de jouer à Infinite Undiscovery, c'est développé par tri-Ace (<3), édité par Square-Enix, le tout financé par Microsoft (pour en faire une exclue), et c'est pas localisé ('fin c'est en anglais juste)...

    En tout cas, j'espère bien en faire mon métier plus tard !

  • Vil |
    Bonne chance Spay, ça m'a tout l'air d'être un sacré boulot de merde ! x)
  • nunus |
    Au passage, la retraduction complète jap => fr de FF7 PC est bientôt terminée ! Le mod sera compatible aveba le jeu original et la version steam/square enix.
  • SFT |
    Je te comprends Spay, je veux aussi en faire mon métier plus tard (même si personnellement je ne veux pas me spécialiser, ce qui me permettra alors de taper dans les autres médias audiovisuels).

    Je vois Halo mentionné dans la liste des exemples de traductions louches et autres contre-sens et ça me surprend un peu. Jusque-là, la saga ne s'en est pas trop mal sorti à ce niveau-là en dépit de quelques erreurs de traduction. C'est jamais facile de traduire un univers (et là je parle également des produits dérivés) et je trouve que les adaptateurs s'en sortent pas trop mal - surtout pour ce qui est des romans, en fait, qui sont plus un recueil de descriptions et de dénominations militaires futuristes fourbes qu'autre chose.
  • BH |
    En fait, ce n'est pas l'univers Sci-fi de Halo qui posait problème. Il s'agissait d'erreurs de traduction ou de fautes de "Français". Dans Halo 2 notamment, on jouait "à propos de [nom de la map]", le dialogue final entre Cortana et le Master flood était un contresens évident qui rendait le tout très fumeux ("Tirez" en traduction littérale de "Shoot").
    Et puis d'autres blagues de cohérence de l'univers avec ce pauvre Master Chief ou les covenants qui changeaient de nom à chaque épisode (Adjudant>Major>Chef).

    Ce n'était pas aussi vilain qu'un MGS, mais c'était quand même un haut niveau d'amateurisme pour une aussi grosse licence.