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Licences exotiques

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Pierre
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Il y a quelques années, lors d'un salon en ex-Allemagne de l'Est, Gomo et moi assistions pour d'obscures raisons à une conférence de presse d'Ubisoft dont le point d'orgue devait être l'annonce d'un nouveau jeu en World Premiere comme on dit en Allemand. On attendait évidemment une suite à Beyond Good & Evil avec ferveur et nous n'avons que très légèrement été déçus par l'annonce en fanfare de Anno 1404.

Plus tard j'apprendrai que les franchises de stratégies font un véritable tabac en Allemagne au point que la série Anno y dispose d'un meilleur taux de notoriété que Gran Turismo ou Zelda.
De fait, quand Ubisoft annonce une nouvelle IP réservée pour la Gamescom il est raisonnable de penser que le public cible n'est pas exactement composé de fans de Duke Nukem.

Chaque région du monde à ses jeux fétiches, des succès que l'on ne retrouve pas ailleurs. Le Royaume Uni compte ainsi nombre d'aficionados de simulateurs aériens, la Russie et l'Europe de l'Est affectionnent les RPG médiévaux, la Scandinavie donne beaucoup dans le jeu en ligne etc. Pourtant ces différences ont souvent un peu de mal à être intégrées par les plus grands éditeurs, même lorsque le contexte social est fort et reconnu.

Un ancien ponte de chez Electronic Arts UK expliquait récemment tout le mal qu'il avait eu dans les années 90 à convaincre la maison-mère Américaine de l'importance stratégique d'un jeu de football en Europe. Les ventes correctes de l'édition annuelle de Madden ne poussant pas à prendre un risque supplémentaire d'édition et de développement.
Aujourd'hui c'est pourtant bien FIFA qui assure de confortables ventes mondiales à l'éditeur tous les ans.

Il faut dire que le processus de sourcing de jeux, lors duquel les éditeurs cherchent des jeux à ajouter à leurs portfolios, peut être particulièrement délicat. Les éditeurs sont confrontés à des embryons de jeux, des bouts d'idées, des documents de game design et de vagues prototypes manquant de textures et d'animations. Et se basant sur ces éléments préliminaire il faut décider, souvent rapidement ou du moins plus rapidement que la concurrence, si investir quelques millions d'euros sera judicieux pour obtenir le hit de demain.

L'un des exemples les plus célèbres est Burnout de Criterion, refusé à l'époque de sa création par la plupart des éditeurs qui mettaient en cause son concept trop simpliste, manquant de tuning et de réglages pointus à une époque où les simulations étaient reines. La licence a été récupérée plus tard à coups de millions par EA qui l'avait pourtant initialement refusé.
Pas facile de voir instantanément le succès potentiel d'un MMO de tank, d'un jeu sandbox basé sur des cubes, d'une app de scrabble multijoueur sur iPhone… Alors qu'il est au contraire facile de s'enthousiasmer pour un FPS cross machines dans un univers de RPG papier, ou par la remise au gout du jour d'un classique du FPS N64.

Réussir à se débarrasser des larges œillères dominant l'industrie, et trouver le brin d'audace nécessaire à une vision d'ensemble ne semble pas à la porté de n'importe qui, surtout lorsqu'il est ensuite requis d'imaginer un business model favorable, toujours basé sur les maigres assets prototypes et les bonnes intentions du développeur.
C'est un pari toujours plus risqué dans une industrie qui engrange les millions en sortant un Call of Duty par an.

Le crowdfunding montrant en ce moment ses limites l'idée de l'alpha-funding devient alors séduisante pour les jeux se réclamant de l'esprit Sandbox. Cela permet, en plaçant des frais d'entrée bas qui augmentent avec le développement de garder le contrôle sur le périmètre du jeu et de maintenir une certaine flexibilité. Mais tous les jeux ne peuvent pas s'en sortir avec cette pirouette et le ticket gagnant Minecraft ne sera pas redistribué tous les ans. Ce qui ne devrait pas empêcher quelques stars d'émerger dans les années à venir.

En attendant on mangera une bonne bratwürst à Cologne et on verra bien ce que les éditeurs ont réussi à dégoter de neuf ou d'exotique.

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