Jason Roher est un développeur indépendant. Il a créé le jeu The Castle Doctrine. Et quand il ne bosse pas sur ses jeux, il entretien un petit blog de vis ma vie de programmeur indé qui parle occasionnellement de gros chiens.
Et au détour de l’un de ses articles, il explique que de son point de vue d'humble homme-orchestre du jeu vidéo, les soldes constantes organisées par Steam et consorts auraient un effet négatif sur les joueurs et les développeurs.
Pour info le dernier à avoir tenu des propos similaires était David Demartini, le directeur d’Origin chez Electronic Art.
Et voir un indé et EA tomber d’accord sur un sujet c’est à peu près aussi rare que de voir José Bové et Monsanto avoir le même point de vue.
D’après Roher donc, les soldes sur les jeux vidéo seraient vicieuses à plusieurs niveaux:
D'abord ça envoie un message particulièrement négatif aux fans qui achètent le jeu en day-one (ou soyons fous, le réservent), ensuite ça encourage tous les gens un peu plus frileux à repousser l'achat vu que Steam réalise des promos constantes (soldes saisonnières, offres du jour, de la semaine, de la mi-semaine etc.), voire à attendre que le jeu soit gratuit ou presque dans un bundle où le consommateur décide du (bas) prix.
Si le jeu est orienté multijoueur, la communauté est alors scindée et les first-movers qui ont pris le risque d’acheter le jeu au prix fort se retrouvent à évoluer dans des serveurs moins remplis qu’en périodes de soldes.
Cela met également les développeurs dans une situation périlleuse puisque les revenus ne se font plus en grande partie sur la semaine/le mois de lancement, mais se répartissent sur une période bien plus longue et rendent les équipes dépendantes des soldes.
Les revenus totaux eux-mêmes pourraient au final se trouver amoindri par la culture des soldes. Si la moitié des gens qui achètent un jeu à -50% étaient prêts à l’acheter au prix fort, l’opération est neutre.
Au final, et toujours d’après Roher, pour compenser la baisse de valeur il faut une augmentation de volume telle qu’il semble peu probable que tous les acheteurs soient effectivement intéressés par le titre. On se retrouve à duper des gens en leur faisant miroiter une bonne affaire pour uniquement remplir des bibliothèques Steam de jeux jamais lancés.
Je pense qu’il y a là une conception assez erronée de la rationalité des consommateurs. L’avantage proposé à acheter un jeu à sa sortie ne peut pas être mesuré par rapport aux futures soldes. Être là quand c’est encore chaud, être présent pendant qu’on en parle est un avantage non économique, potentiellement irrationnel qui ne pourra jamais fléchir quelle que soit l’importance des soldes suivantes.
En termes de loisirs, tout fini par baisser de prix. Les télévisions, les consoles de jeux, les voitures, les films, la musique... C'est le propre du cycle de vie d'un produit et Steam n'a pas introduit le principe.
Un billet de cinéma dépasse régulièrement le prix du DVD/Bluray. Qui peut trouver un intérêt économique à payer 15€ sa place de cinoche pour voir un film une fois alors qu’acheter le DVD permettrait d’avoir des visionnages gratuits à vie pour autant de personnes que possible ? Il y a le facteur grand écran, il y a l’aspect sortie sociale, mais il y a avant tout la capacité de discuter du film quand tout le monde en parle et non quand les gens l’ont oublié.
Je pense que cet effet joue également dans le jeu vidéo. 7 millions d’acheteurs de console next-gen semblent en tout cas penser qu’avoir une console à sa sortie -même sans jeux- est un meilleur deal que d’acheter la même console après une baisse de prix substantielle.
Roher prend également comme exemple à suivre le modèle économique de Mojang sur Minecraft et Scrolls avec un prix qui au lieu d’être bradé au fil des soldes, continue d’augmenter sur la durée de vie du jeu. Mais le principe de l’accès anticipé, de l’alpha payante ne peut fonctionner que si deux conditions sont réunies : Avoir un jeu bac à sable et/ou en monde ouvert avec une grande part de contenu créé par les joueurs et avoir des fonctions qui évoluent en permanence avec le développement agrandissant le périmètre du jeu.
Il y a bien évidemment du vrai dans ce qu’il dit, seulement si les stocks ne sont pas un problème, le plus grand challenge des développeurs est de réussir à obtenir de la visibilité. La fin de l’espace en rayon ne signifie pas la fin de la bataille médiatique. Plus que le prix, plus que le pourcentage de la promotion, ce qui rapporte énormément lors des soldes c’est le fait de sortir du fin fond du catalogue (863 jeux sont étiquetés indépendants sur Steam à l’écriture de ce billet) et de se retrouver propulsé en home page et relayé par la presse. Et inversement si les ventes chutent au niveau des pâquerettes entre deux promos, ce n’est pas parce que plus personne n’aimerait acheter le jeu à son prix complet, mais surtout parce que les acheteurs potentiels ne sont pas exposés au produit.
Parce qu’après tout il ne suffit pas de mettre son jeu dans une boutique numérique pour remplir le travail d’édition dans son ensemble. Les indépendants éblouis par les succès surprises l'apprennent malheureusement avec pertes et fracas. Enfin surtout pertes, on verra plus tard pour les fracas.
Et au détour de l’un de ses articles, il explique que de son point de vue d'humble homme-orchestre du jeu vidéo, les soldes constantes organisées par Steam et consorts auraient un effet négatif sur les joueurs et les développeurs.
Pour info le dernier à avoir tenu des propos similaires était David Demartini, le directeur d’Origin chez Electronic Art.
Et voir un indé et EA tomber d’accord sur un sujet c’est à peu près aussi rare que de voir José Bové et Monsanto avoir le même point de vue.
D’après Roher donc, les soldes sur les jeux vidéo seraient vicieuses à plusieurs niveaux:
D'abord ça envoie un message particulièrement négatif aux fans qui achètent le jeu en day-one (ou soyons fous, le réservent), ensuite ça encourage tous les gens un peu plus frileux à repousser l'achat vu que Steam réalise des promos constantes (soldes saisonnières, offres du jour, de la semaine, de la mi-semaine etc.), voire à attendre que le jeu soit gratuit ou presque dans un bundle où le consommateur décide du (bas) prix.
Si le jeu est orienté multijoueur, la communauté est alors scindée et les first-movers qui ont pris le risque d’acheter le jeu au prix fort se retrouvent à évoluer dans des serveurs moins remplis qu’en périodes de soldes.
Cela met également les développeurs dans une situation périlleuse puisque les revenus ne se font plus en grande partie sur la semaine/le mois de lancement, mais se répartissent sur une période bien plus longue et rendent les équipes dépendantes des soldes.
Les revenus totaux eux-mêmes pourraient au final se trouver amoindri par la culture des soldes. Si la moitié des gens qui achètent un jeu à -50% étaient prêts à l’acheter au prix fort, l’opération est neutre.
Au final, et toujours d’après Roher, pour compenser la baisse de valeur il faut une augmentation de volume telle qu’il semble peu probable que tous les acheteurs soient effectivement intéressés par le titre. On se retrouve à duper des gens en leur faisant miroiter une bonne affaire pour uniquement remplir des bibliothèques Steam de jeux jamais lancés.
Je pense qu’il y a là une conception assez erronée de la rationalité des consommateurs. L’avantage proposé à acheter un jeu à sa sortie ne peut pas être mesuré par rapport aux futures soldes. Être là quand c’est encore chaud, être présent pendant qu’on en parle est un avantage non économique, potentiellement irrationnel qui ne pourra jamais fléchir quelle que soit l’importance des soldes suivantes.
En termes de loisirs, tout fini par baisser de prix. Les télévisions, les consoles de jeux, les voitures, les films, la musique... C'est le propre du cycle de vie d'un produit et Steam n'a pas introduit le principe.
Un billet de cinéma dépasse régulièrement le prix du DVD/Bluray. Qui peut trouver un intérêt économique à payer 15€ sa place de cinoche pour voir un film une fois alors qu’acheter le DVD permettrait d’avoir des visionnages gratuits à vie pour autant de personnes que possible ? Il y a le facteur grand écran, il y a l’aspect sortie sociale, mais il y a avant tout la capacité de discuter du film quand tout le monde en parle et non quand les gens l’ont oublié.
Je pense que cet effet joue également dans le jeu vidéo. 7 millions d’acheteurs de console next-gen semblent en tout cas penser qu’avoir une console à sa sortie -même sans jeux- est un meilleur deal que d’acheter la même console après une baisse de prix substantielle.
Roher prend également comme exemple à suivre le modèle économique de Mojang sur Minecraft et Scrolls avec un prix qui au lieu d’être bradé au fil des soldes, continue d’augmenter sur la durée de vie du jeu. Mais le principe de l’accès anticipé, de l’alpha payante ne peut fonctionner que si deux conditions sont réunies : Avoir un jeu bac à sable et/ou en monde ouvert avec une grande part de contenu créé par les joueurs et avoir des fonctions qui évoluent en permanence avec le développement agrandissant le périmètre du jeu.
Il y a bien évidemment du vrai dans ce qu’il dit, seulement si les stocks ne sont pas un problème, le plus grand challenge des développeurs est de réussir à obtenir de la visibilité. La fin de l’espace en rayon ne signifie pas la fin de la bataille médiatique. Plus que le prix, plus que le pourcentage de la promotion, ce qui rapporte énormément lors des soldes c’est le fait de sortir du fin fond du catalogue (863 jeux sont étiquetés indépendants sur Steam à l’écriture de ce billet) et de se retrouver propulsé en home page et relayé par la presse. Et inversement si les ventes chutent au niveau des pâquerettes entre deux promos, ce n’est pas parce que plus personne n’aimerait acheter le jeu à son prix complet, mais surtout parce que les acheteurs potentiels ne sont pas exposés au produit.
Parce qu’après tout il ne suffit pas de mettre son jeu dans une boutique numérique pour remplir le travail d’édition dans son ensemble. Les indépendants éblouis par les succès surprises l'apprennent malheureusement avec pertes et fracas. Enfin surtout pertes, on verra plus tard pour les fracas.
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