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Épiphanie

Épiphanie
Pierre
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Le meta-game, le jeu au delà du jeu, la carotte qui pousse le joueur à continuer est le nouveau saint Graal de l’industrie.

Que l’on fasse du free to play, du mobile, du AAA, du console ou du PC, il faut se battre pour le temps de jeu des joueurs sollicités de tous les côtés par leurs bundles, leurs promos steams, leurs jeux offerts, les jeux web, les jeux gratuits, les mmos etc.

Parce que le game design aujourd’hui c’est un peu comme la pêche et le joueur potentiel comme un poisson d’eau douce : c’est pas le tout de le faire s’amuser avec un ver qui se trémousse, il faut encore le ferrer.
Et si on est suffisamment chanceux pour que le joueur donne une chance à son titre, il faut à tout prix le faire jouer plus longtemps. Que ce soit pour vendre des items in-game, des extensions en DLC, pour peupler les serveurs multijoueurs, pour obtenir des ratings sur les stores ou tout simplement pour faire de la pub sur les réseaux sociaux, toute équipe de développement moderne a une bonne raison de garder les joueurs en jeu.

Comme le marché tend à être plus saturé qu’un buffet à volonté au Chinois du coin, tabler sur les qualités intrinsèques du gameplay est de plus en plus risqué : qu’est-ce qui fait qu’un joueur va rester sur tel shooter, s’il en existe 40 de niveau de qualité équivalent ?

Alors on délaye un peu la sauce : on ajoute des arbres de compétence, on rempli la feuille de combos, on approfondi les réglages, on augmente le nombre d’armes, on propose des spécialisations, on fout du loot en folie etc.
On n’améliore pas vraiment le jeu, on ne le rend pas nécessairement plus riche, on donne surtout l’impression au joueur d’avoir du poids dans des décisions cruciales, on lui donne des objectifs extrinsèques vers lesquels il va progresser avec la même passion que le caniche vers la baballe.

C’est en partie l’usurpation de la plupart des (MMO)RPGs, qui invitent assez universellement à farmer pour atteindre le précieux niveau supérieur et débloquer un sacrément cool point de compétence qui va améliorer de quelques points le pourcentage de chance de faire un coup critique. Mais en soit, le genre repose intégralement là dessus, on me glisse même à l’oreille que quand c’est bien fait, ça peut avoir de l’intérêt. Je suis sceptique, mais vu le peu de temps passé sur ce genre de jeux, je laisse le bénéfice du doute.

Quand il s’agit d’un Fable, d’un Assassin’s Creed ou d’un Far Cry, en revanche, toutes ces salades perdent tout leur sens : ces jeux ne sont pas basés sur la progression du joueur, mais sur son habilité à jouer, restreindre les possibilités revient à limiter le gameplay. Toute la partie de levelling devient ainsi un pauvre tuto qui repousse le moment où l’on pourra enfin jouer au jeu. Oui Assassin’s Creed III, je parle de toi. Ou parfois c’est juste que le meta game a été ajouté en fin de cycle de développement et se retrouve complètement à la ramasse comme l’aspect financier de Fable 2, rendant n’importe quel joueur soucieux d’acheter quelques bicoques, immensément riche sans lever le petit doigt.

Mais on ne peu pas comprendre l’horreur du meta game mal foutu sans avoir fait un jeu comme Tomb Raider. Le jeu essaye très très fort de faire comme Far Cry 3 en distribuant les techniques et armes après chaque niveau atteint et en encourageant à passer l’environnement au peigne fin pour accélérer tout ça.
L’ennui c’est que dans Far Cry, on en peut plus d’attendre le point où l’on sera enfin ce one-man army équipé de 40 armes à munitions quasi illimitées, lance-flammes et grenades, gilet pare-roquettes et machettes de lancé à la porté surréaliste.
Parce que c’est ça tout le fun de Far Cry : faire le kéké en se prenant pour un Arnold des grands jours dans la jungle pour revivre les meilleurs passages de Commando ou Predator.

Sauf que dans Tomb Raider, on ne joue pas un Autrichien au t-shirt sous pression, on ne joue même pas un bro-dude décérébré qui sera interprété par Tom Jane dans l’adaptation ciné.
On joue une Lara Croft qui n’en mène pas large et que Pratchett a tenté tant bien que mal de faire passer pour une héroïne un tout petit peu plus crédible que la moyenne. Et dans la première demie heure de jeu ça marche parfaitement : on sent la faiblesse de son personnage, sa vulnérabilité face aux attaques et l’intérêt d’attaquer discrètement et de savoir se replier, on a une nuance de subtilité dans un clone de Nathan Drake’s Adventures, et c’est tout ce qui me fallait pour apprécier le titre.

Sauf que très rapidement, le jeu offre des points de compétences, un arbre de progression, des nouvelles armes qui transforment effectivement le personnage en machine de guerre qui élimine aussi vite que l’intérêt du jeu. On se retrouve à attaquer de front plutôt que de faire le tour, à sauter sur les ennemis pour leur enfoncer un coup de piolet en travers du crâne plutôt que de prendre son temps à aligner un arc qui est de toute manière devenu un monstre de précision inébranlable.
Enfin, jusqu’à ce qu’une cinématique n’intervienne dans laquelle on retrouve la Lara de Pratchett, faible femme blessée et craintive qui se soignent à coups de métal chauffé à blanc alors qu’elle s’est tapé quelques kilos de plomb dix minutes auparavant sous forme de super-Lara entre les mains du joueur.

Mais là on touche à un autre problème qui n’a même pas besoin de metagame idiot pour ruiner l'expérience.

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