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La biche et le prisonnier

La biche et le prisonnier
Pierre
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"Qu’est-ce que tu vas faire à ce singe ?"
La question ne vient pas du jeu, mais de ma copine, à l’air franchement désapprobateur qui m’observe en train d’armer mon mousquet en direction d’un singe hurleur accroché à une branche.

Il y a quelque chose de profondément malsain dans mes Assassin’s Creed. Pas parce que ça joue sur des thèmes spécifiquement violents, pas parce que ça se veut particulièrement provocant ou trash, mais justement parce que ça se veut très sérieux et très épique tout en nous abreuvant de situations complètement douteuses supposés remplacer les codes de morale.

Les personnages principaux sont des assassins, ils s’en vantent dès qu’ils en ont la possibilité et les assassinats méthodiques et ordonnés du premier épisode ont vite laissé place aux tueries psychotiques italiennes, puis aux massacres généralisés à Constantinople, au braconnage sauvage de tout ce qui se tient sur au moins deux pattes en Amérique du Nord.
Désormais le carnage est aussi ouvert au monde marin et c’est avec enthousiasme que l’on peut chasser du requin, du baleineau et autres animaux nautiques plus ou moins protégés aujourd’hui. De quoi booster un peu les ventes au Japon j’imagine.

C’est bien simple, rien ne survit dans AC. Tout ce qui est en rouge sur la map doit être tué et tout ce qui ne l’est pas peut l’être. Un passant ? Une mère de famille ? Un esclave ? Un coup de lame maladroit et zou, on découpe une jugulaire, on tranche une gorge et on laisse un petit corps inanimé derrière soi avant de s’en repartir en sifflotant la dernière rengaine à la mode à la taverne du coin et en roulant des mécaniques dans son splendide costume blanc flamboyant.
Oh parfois un petit message rappelle bien que les innocents, on n’est pas là pour ça, mais de toute manière pour un pirate-assassin vaguement templier (le seul truc pire selon la mythologie du jeu) qu’est-ce qu’un innocent ?

On veut nous faire chialer tout ce qu’on peut quand les vieux boiteux se font passer à la fine moulinette, quand les enfants sont réduits au silence ou quand les femmes se font régler leur compte, mais la notion de compassion est particulièrement arbitraire dans l’univers du jeu. Le bien, le mal, il en est pourtant constamment question, on doit sans cesse "sauver le monde !", empêcher la tyrannie des autres et recruter une armée capable de sauver la veuve et l’orphelin.

Mais dans ce cas pourquoi Ezio installe-t-il sa sœur à la tête du réseau de prostitution qu’il a mis en place pendant qu’il culpabilise ses disciples assassins.
Pourquoi Conor chasse-t-il les animaux et les anglais de la même manière ?

Et surtout bon dieu pourquoi me suis-je retrouvé à courser un tigre blanc dans la jungle après qu’il a raté son embuscade ?
Cela va-t-il m’aider à établir la république des hommes libres ? Vais-je mettre fin à l’esclavage dans les colonies des caraïbes grâce à sa peau ?

Non mais je vais sans doute pouvoir me crafter le plus beau Holster en peau de tigre blanc et être suffisamment chic dans ma manière de m’habiller pour faire rêver les ménagères.

Ma ménagère à moi n’a pas eu l’air très amusée par mon explication de sac à fléchettes de qualité supérieure que je pourrai me confectionner grâce à la peau du singe au bout de mon mousquet.
-Mais laisse ce singe tranquille !
-Mais j’ai besoin de ce sac à fléchettes !

Là est peut-être tout le côté malsain du jeu. Pas uniquement de nous faire faire des actes immoraux et scandaleux, mais de nous inciter à ne même pas penser à la moralité en nous aveuglant avec des trésors de pacotilles, des goodies virtuels à l’intérêt minime.
Bref, de nous faire tomber dans les mêmes travers que les Européens colonisant le monde.
Si seulement ça pouvait être fait exprès.

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